
Hôtel Restaurant le Relais de la Route Bleue
Derrière le comptoir, le gardien assis, releva à
peine le nez de son magazine.
En cette saison, l'hôtel était vide, le restaurant
fermé, mais l'homme, sur ma demande, me tendit volontiers
la clé d'une chambre située au premier. Je n'avais
que l'embarras du choix.
La décoration de l'hôtel était ancrée
années 70. Quoi de plus naturel alors que cette moquette
au motifs en zigzag, ce papier peint aux losanges jaunes, et
ces lampes aux abat-jours de tissus orange.
Les glorieuses années post soixante-huitardes étaient
passées par là, et la mode se devait de respecter
un tant soit peu le code couleur de cet âge psychédélique
que nul ne pouvait ignorer.
Confort et modernisme telle était la consigne, et ma
chambre ne dérogeait pas à la règle de
la bakélite, des pieds de meubles chromés, et
d'une parure de lit d'un bel orangé.
La fenêtre donnait côté route nationale.
Il bruinait maintenant. Seules quelques voitures stationnant
sur le parking du Relais confirmaient le faible taux d'occupation
de l'établissement.
J'avais bien fait de m'arrêter, la nuit serait tranquille
ici. Maintenant que j'avais trouvé le logis, je devais
me mettre en quête pour trouver à manger.
Le concierge se désola de la fermeture annuelle du restaurant
de l'hôtel, mais en cette saison les clients se faisaient
rares.
Pour preuve, pour attirer les automobilistes, il s'obligeait
à laisser les lumières des chambres allumées
jusqu'à minuit, comme l'on fait pour attirer les insectes
de la nuit, ruse qui pour mon cas avait parfaitement fonctionné.
Il me conseilla toutefois un petit bistrot du bord de route
à quelques kilomètres de là. "Toujours
ouvert, même à cette heure-ci, vous ne pourrez
pas le rater, il donne sur la nationale" ...
Je repris la voiture au moteur à peine refroidi et suivis
la nationale en direction de Varennes m'enfonçant une
nouvelle fois dans la nuit.
Comme pour me narguer, il se mit à pleuvoir de plus belle.
(à suivre)
En Route -
45 ans plus tard, l'établissement est toujours
là, toujours ouvert à la clientèle de passage,
et le croiriez vous ? la déco n'a pas changé, enfin,
presque pas.
Pour notre plus grand plaisir. N'hésitez pas à y
faire une pause café, si vous ne pouvez vous y arrêter
plus longtemps.
Jouxtant le parking du relais, un petit snack routier
occupe aujourd'hui les locaux de l'ancienne station service.
Derrière, en partie caché, un mur peint sert de
support pour des réclames dédiées à
la Ceinture Gibaud ou à l'apéritif Suze.

Derrière le snack, un mur peint. Photo Claude.K

Suze et Ceinture Gibaud. Photo Claude.K

Sans doute ici, faut-il deviner la facade d'un garage.
St loup a connu des heures glorieuses. En témoignent
ses commerces, hôtels, cafés et garages qui jalonnaient
la Route de Moulins autrefois.
Aujourd'hui, seul un oeil aguerri pourra en retrouver les emplacements
exacts.

Imaginez ! un garage, station service Mobil, à la façade
immaculée, des pompes à essence,
et au fond de la cour, un café, avec terrasse, jardinières
et parasols.
Si ! si ! c'était comme ça avant ! Image réactive.

Antar à 10 Km en direction de Bessay sur allier
On trouvait également, dispatchées
ça et là sur quelques murs de la ville, des plaques
de tôle émaillée reprenant d'anciennes publicités
pour Kub, Labo, Castrol, Poulain...
Si certaines semblaient récentes et anachroniques, leurs
charmes entretenaient tout de même la mémoire des
lieux.
Aujourd'hui les plaques ont disparu.

De l'huile moteur au bouillon cube...
Après la place de l'église, les habitations
se raréfient et la ville se termine comme elle a commencée.
Nous retrouvons la Sologne Bourbonnaise et quelques anciennes
publicités.

En direction de Moulins, cette réclame Valentine aujourd'hui
difficile à apercevoir.

Ce ne sont pas des murs peints, mais ces publicités
sont devenues rares, car interdites par la loi Evin depuis 1991.

Toujours en direction de Moulins, ce mur demanderait à
être restauré.

L'écusson Noilly Prat sur la porte de la remise, commence
à disparaître.
Deux kilomètres après St Loup les
premières habitations de Chazeuil font leur apparition.
Chazeuil km 0313 
Chazeuil est une commune de l'agglomération
de Varennes sur Allier.
A gauche, sur une hauteur, noyé dans la verdure,
le château de Chazeuil domine la ville et embrasse toute
la vallée de l'Allier.
La N7 passe au pied de ce château privé, entièrement
reconstruit au XIXe siècle sur l'emplacement d'un château
fort moyenâgeux dont il ne reste plus trace aujourd'hui.

Le château de Chazeuil Surplombe la RN7,
qui vient de Moulins (à gauche du cliché) pour aller
vers Varennes sur Allier (à droite).
En bas la direction de St Pourçains / Sioule.
La "route de Moulins", artère
principale de Chazeuil, conserve encore quelques maisons basses
datant de l'époque du château, on se croirait presque
sur la route royale.
Immortalisez les en photos, certaines menace ruines, d'autres
ont déjà été détruites.

Avec en prime, une plaque de cocher toute rechampie. Image
réactive.
Photo plaque JF Lobreau
Remarquez la similitude de couleur des murs décrépis
avec la terre rouge du pays.
Tout ici reflète le passé. La ville semble s'être
arrêtée de vivre dans ce décor immuable depuis
plusieurs siècles.
Mais recherchons ici les traces d'un passé un peu plus
contemporain.
Une maison aux persiennes rouges et à la
porte murée, a camouflé son enseigne, mais on peut
encore y lire "Café, Bar, Auberge du Château",
signe d'une première hôtellerie.

A peine visible, l'enseigne de l'auberge, café, bar
du Château, au pied dudit château.

Rabâchée à l'infini le long des routes,
la réclame pour la Suze ne pouvait donner que l'envie de
s'en siffler une, une fois arrivé à bon port.
Au carrefour, les grilles de l'entrée du
château, une vue immuable depuis des siècles.

Vue en direction de Moulins. A droite, les grilles d'entrées
du château. Image réactive.
Face aux grilles du château on trouvait au
début du siècle dernier l'hôtel Bonjon et
son restaurant de la paix.
Aujourd'hui ne subsiste qu'un terre-plein.

Jour de fêtes au restaurant Bonjon.
Traversons le carrefour.
A droite la petite maison au ravalement crème n'est autre
que le défunt "restaurant des Touristes".

Le restaurant des Touristes, ou plutôt ce qu'il en reste
aujourd'hui, et son porte clés promotionnel en forme de
pneu.
Difficile aujourd'hui d'imaginer le paysage du bord
de route des années 1960.
Essayons tout de même de nous en rendre compte avec un "avant
/ après" du Café des Sports chez Fernande,
juste en face.

Une partie de flipper au café des sports ?celui qui
perd, paie la tournée. Remarquez le marquage au sol. Image
réactive.
La concurrence était rude à l'époque
au carrefour de Chazeuil.
.
Vue aérienne du carrefour de Chazeuil. Au premier plan
le café des sports et en face le Restaurant Des Touristes.
Rendez Vous Nationale 7 : Chazeuil, octobre 1975,
21h30. (seconde partie)
"Vous trouverez facilement, vous ne pourrez
pas le rater" qu'il disait l'hôtelier.
Et pourtant sorti de St loup, rien en vue. Seule la pleine campagne
et la route aux bas côtés inondés.
C'était bien ma veine, le seul hôtel trouvé
dans le coin ne faisait pas restaurant en cette période
de l'année.
Je poursuivis tout de même ma maraude, cherchant surtout
à ne pas rater un établissement ouvert à
cette heure avancée de la soirée.
Le halo cireux de quelques réverbères antiques
éclairaient maintenant la rue d'un patelin sans nom,
village fantomatique aux volets irrémédiablement
clos.
Théâtre d'ombres difformes et ruisselantes entrevues
dans le faisceau de mes phares.
Puis, soudain, comme posé sur un vaste terre-plein,
la vision irréelle d'une magnifique gargote, formidable
vaisseau lumineux, refuge de la dernière chance de pouvoir
manger quelque chose de chaud à cette heure de la nuit.

En quelques secondes à peine, j'avais garé la
voiture, franchi les flaques d'eau et affronté les trombes
de pluie glacée qui s'abattaient sur la région,
pour pénétrer vivement dans ce petit snack hors
du monde.
J'eus la sensation gênante de m'incruster chez quelqu'un,
sans avoir eu la politesse de m'essuyer les pieds avant d'entrer.
Personne.
La petite salle était vide. Les tables impeccablement
rangées et les tabourets alignés au cordeau à
égale distance du comptoir trahissait une certaine rigueur.
Seuls quelques mobiliers laissés à l'extérieur
laissaient croire à la soudaineté de la météo.
Le juke-box aux chromes astiqués n'allait pas jouer ce
soir. Il était débranché.
Ici, le désordre n'était pas de mise. Quel contraste
entre la tempête qui sévissait à l'extérieur
et la sérénité intérieure du lieu.
Un son se fit entendre, celui d'une télévision
dans une pièce située derrière le comptoir.
Assurément le patron n'attendait personne ce soir, mais
la buvette avait le mérite de rester ouverte à
la clientèle de passage.
Je signalais ma présence en agitant mon trousseau de
clé.
Une femme apparue : "je ne vous ai pas entendu entré,
mais avec ce qui tombe ce soir, c'est bien parti pour la nuit.
Vous désirez ?"
Comme pour me justifier, et m'excuser du dérangement,
je lui expliquais rapidement ma mésaventure.
Sans montrer la moindre compassion, elle me présenta
une petite carte tout en me précisant qu'elle ne faisait
plus les sandwichs."A cette heure, il n'y avait plus de
pain ! ".
Je commandais une bière pression, une omelette-salade
et une tartelette et m'installais à une petite table
proche de la vitre, scrutant à travers la vitre embuée
la nuit silencieuse et solitaire.
En repassant devant la buvette, aujourd'hui fermée,
je ne peux m'empêcher d'évoquer ce souvenir nostalgique
vieux de quarante ans. Ma madeleine de Proust en quelque sorte.
En route -
A droite maintenant, une petite institution, dans le plus pur
style snack resto-routier, l'Etape, hélas lui aussi fermé.

C'est en 1973 que Fernande, qui tenait déjà
le bar des sports, ouvre ce nouveau snack.
L'établissement ne connaîtra qu'un seul propriétaire
: Fernande, qui prendra sa retraite en 2006.
Depuis l'Etape est fermée. Image réactive
En route ...
Stop, on a pas tout vu...
Ne quittons pas Chazeuil, sans avoir rendu une dernière
visite :
A hauteur de la station service, sur la gauche, un chemin creux
vous mènera jusqu'à la chapelle de Notre Dame
de la Ronde située 200 mètres plus haut.
Une petite marche à travers cette coulée verte
pour découvrir une antique chapelle romane du XIe siècle
construite à proximité du château de Chazeuil,
sur une éminence qui domine le carrefour et le pont de
Chazeuil, point de passage sur l'Allier.
Ce lieu sacré est auréolé d' une mystérieuse
légende..

La route nationale et la montée vers la chapelle.
Tout commence au XIe siècle, avec l'apparition inexpliquée
dans l'église du village d'Agonges, un village du Bourbonnais,
d'une statue de bois peint représentant la Vierge.
Suite à ce phénomène ressemblant fort à
un miracle, la petite statue devenue pour les paroissiens "Notre
Dame D'Agonges" trouva naturellement place au chœur de
l'édifice religieux.
La suite des événements est plus vague. On ne
sait trop pour quelles raisons les villageois décidèrent
un jour de remplacer la statue miraculeuse, par une autre statue.
Une version laisse à penser que la statue aurait subie
des actes sacrilèges de la part des villageois. Quoi
qu'il en soit, la Vierge de bois fut dépossédée
de son socle, remisée, et remplacée par une nouvelle
statue.
Le lendemain, au grand étonnement des paroissiens, la
statue initiale avait repris sa place, tandis que la nouvelle
statue gisait à terre.
La Vierge fut démontée à nouveau, et cette
fois-ci enfermée dans une armoire de la sacristie. Mais
comme la veille, la statue réapparut sur son socle, et
il en fut ainsi plusieurs jours de suite.
Les villageois insistèrent, jusqu'au jour où la
statue disparut pour de bon et nul n'en retrouva sa trace.
A la suite de cette disparition, de grands malheurs s'abattirent
sur toute la contrée. Au fond des chaumières,
les villageois savaient que la Vierge demandait réparation.
Un jour, un pâtre découvrit la statue de bois
dans les ronces, sur une hauteur de Chazeuil, au lieu dit "la
Ronde", à plus de 35 km de son lieu d'origine.
Les habitants de Chazeuil s'empressèrent de récupérer
la Vierge, et afin de la protéger, lui construisirent
une chapelle à l'emplacement du lieu de sa découverte.
Dès lors, les calamités cessèrent sur
la région. Les habitants d'Agonges, repentants, vinrent
tous les ans, pendant de longs siècles en pèlerinage
à Chazeuil, en expiation.
A la révolution, la statue fut cachée puis retrouva
ensuite sa place dans la chapelle.
En 1866, le comte de Montagnac, propriétaire du château
de Chazeuil, en finança la restauration.
Tous les ans, le lundi de Pâques ainsi que le premier
dimanche d'Octobre, les fidèles très nombreux
lui rendent hommage.
La statue est d'époque romane en bois marouflé,
polychrome, de 80 cm de hauteur.
Pour en savoir plus - Sources et extraits :
http://lieuxsacres.canalblog.com/archives/2007/04/25/4742066.html
https://sanctuaires.aibl.fr/fiche/285/notre-dame-de-la-ronde
Après cette petite halte agréable, il est temps
de reprendre la route, non sans avoir jeter un oeil sur l'architecture
alvéolaire de la boutique de la station service Avia.
Structure composée de modules assemblés, construction
typique de ce qui se faisait vers les années 1970...

... ce qui nous fait dire que cette station ne date pas
d'hier.