ETAPE 1 : de PARIS à CHAILLY EN BIERE de 0000 à 0050 km

4 /7
← Athis Mons - Juvisy Sur Orge →

 

Athis-Mons Km 0017

http://www.mairie-athis-mons.fr

Athis-Mons situé à 17 km de la capitale, c'est la fusion, en 1817, de deux villages agricoles séparés sur les coteaux de la Seine et de l'Orge : Athis-sur-Orge et Mons-sur-Orge.

La route nationale 7, anciennement route de Fontainebleau, dénommée ici "Avenue François Mitterrand" parcourt deux kilomètres et quatre cent mètres de parfaite ligne droite,
de la limite nord du département jusqu'au carrefour dit "de la Pyramide" à Juvisy-sur-Orge.

En route –

La merveilleuse route nationale 7 qui nous mènera jusqu'en Provence, n'est ici qu'une une zone urbaine, que l'on pourrait qualifier de France moche.
Paysage d'enseignes commerciales, successions d'entrepôts de déstockages, de locaux commerciaux, de parkings, où les programmes immobiliers récents côtoient de vieilles bâtisses aux façades cachées sous des bardages dénués de tout esthétisme.
Trêve de discussion, nous voici au rond-point de la Belle Étoile.


Carrefour de la Belle Étoile

Étrangement, il n'y a jamais eu de rond-point ici, mais le croisement se retrouve au centre d'une étoile formée par les rues perpendiculaires qui convergent toutes vers ce carrefour.
Carrefour qui de tout temps a toujours générer un trafic automobile important vers Fontainebleau, l'aéroport d'Orly, Morangis ou le centre-ville d'Athis.


Route de Fontainebleau / RN7 au carrefour de la Belle Étoile, vers 1930, vue en direction de Paris.
Le secteur émerge à peine de terre et la rue d'Alsace Lorraine (sur la gauche) est encore en construction.
Seul repère, l'église Jésus Ouvrier en bout de rue, construite à l'origine dans une grange de la ferme Contin (qui donnera son nom au quartier).
Même emplacement aujourd'hui, l'église est toujours visible. Image réactive.


Route de Fontainebleau / RN7, carrefour de la Belle Etoile.
Pas de rond-point, mais un agent veille à la fluidité du trafic routier, en route ici en direction de Fontainebleau.
Le lieu n'est plus reconnaissable aujourd'hui, si ce n'est la façade de la maison (sans le balcon) à gauche. Image réactive

En visionnant le documentaire : "Sacrifice, du débarquement à la libération de Paris", j'entrevois, lors d'une très courte séquence montrant un convoi de véhicules militaires se dirigeant vers Paris, l'image furtive d'une borne Michelin, sur la N7.
A l'époque, les bornes d'angle Michelin sont encore nombreuses sur le bord de nos routes.
L'image est nette, malgré la briéveté de la séquence (3 à 4 secondes tout au plus) toutefois quelques éléments vont permettre de localiser la borne exactement.
La RN7, le kilométrage, le département Seine et Oise, et les mots "??? Étoile" à peine discernables sur le bâtiment derrière.


Image extraite du film : "Sacrifice, du débarquement à la libération de Paris".

Le département et le kilométrage nous amènent à penser que l'on se situe à Athis-Mons.
Les carrefours y sont nombreux, mais le mot "étoile" sur la boutique, indique sûrement le carrefour de la Belle Étoile.
Même si 80 ans plus tard, le paysage a bien changé, la physionomie de l'actuelle boutique de Sushi ne trompe pas. Encore un doute ?


Et l'emplacement inchangé de la boîte aux lettres, certifie qu'il s'agit bien du Carrefour de la Belle Étoile.
Image réactive.

Nous sommes effectivement à Athis Mons, au carrefour de la Belle Étoile. Une rare carte postale du carrefour avant guerre, confirmera la localisation.
Le mot Étoile sur la devanture de l'établissement indique qu'il s'agit du Bar de L'Étoile.


Une super borne Michelin, au croisement de la Belle Étoile, carrefour de la N7 et de l'avenue Marcel Sembat.

Dans notre rubrique, les insolites de la RN7 :

Une centaine de mètres plus loin, l'automobiliste curieux a pu observer, sans en connaître véritablement la raison, une étonnante enseigne installée au dessus de l'entrée d'une célèbre agence bancaire Lyonnaise.
Enseigne que l'on pouvait encore apercevoir en 2015 : le buste d'un homme barbu soulevant un haltère de son seul bras gauche.

La sculpture placée là il y a plusieurs décennies, semblait défier les clients de la petite succursale.

Une manière d'engager un bras de fer avec son banquier ? Non bien entendu ! Quoique... Pour comprendre l'origine de cette figurine, il nous faut remonter le temps...

Nous voici au cœur des années 1930, plongés dans la fumée, la sueur et l'ambiance des arrières cours de bistrots, où le samedi soir l'on organise des combats de catch.
Ce soir là sur le ring, "Athis" et son champion "Monsieur 100 kg" affronte le "Vésinet" et son "Monsieur Rigoulot", présenté à l'époque comme l'homme le plus fort du monde.
Dans la torpeur de la fumée de cigarette et des vapeurs d'alcool les paris vont bon train. Le combat est houleux. Les spectateurs déchaînés.

Ce soir là c'est "Mr 100 kg" qui remportera le combat, apportant ainsi la victoire à Athis.

Mr 100 kg, de son vrai nom Monsieur Mongélas était haltérophile et avait réalisé lui même cette sculpture de ciment et d'acier qu'il avait exposé à la fenêtre de son logement vers les années 1950.
Depuis, en souvenir, le buste de Mr 100 kg défie les voyageurs de la nationale 7...

En 2016 le colosse est démonté. Les souvenirs effacés.

Sources :
http://brudipat.over-blog.com/article-catch-a-la-petite-vitesse-100417508.html
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Rigoulot


Station-service Total, concession Peugeot, en cœur de ville. Même lieu aujourd'hui. Image réactive


Athis-Mons vue en direction de Paris.
Avenue de Fontainebleau avant / Avenue François Mitterrand vue en 2019.
Oui vous avez bien vu, il existait une piste cyclable le long de la N7. Et si vous avez l'œil bionique, vous apercevrez la sculpture de l'Hercule à la fenêtre de l'immeuble.
Image réactive.


Même vue que ci-dessus en 2022, il est certain qu'avec une telle hauteur d'immeuble la route nationale va se retrouver à l'ombre.


Profusion d'enseignes, jungle urbaine, la France moche des années 80. RN7 vue en direction de Paris. Image réactive.

Poursuivons, toujours sur l'avenue François Mitterrand, entre le carrefour de la Belle Étoile, et celui de la Pyramide, plus au Sud.
Le quartier est en pleine mutation, une transformation majeure qui redessine en profondeur la physionomie du quartier, si ce n'est de la ville entière.
Du coup, toutes les anciennes références, les points de repères qui nous faisaient tant apprécier le voyage, se retrouvent rasés, supprimés, oubliés.
Effacées les anciennes publicités murales, détruits les garages antiques, fermés les restos-routiers ...

Pour peu de temps encore, il subsiste pourtant ça et là quelques pans d'un passé devenu aujourd'hui insoupçonnable...


Ici le quartier semble encore dans son jus. Presque figé dans le passé, pour peu de temps encore. Image réactive.


Ici aussi, le Café Tabac le Fontenoy traversé les âges, même si aujourd'hui, il n'est plus possible de s'attabler sous un parasol en bordure de route.
Image réactive.


Ambiance de quartier à hauteur du groupe scolaire, la vue est ici en direction de la capitale. Image réactive.

Un peu avant d'arriver au carrefour de la Pyramide, carrefour marquant l'entrée de Juvisy, on ne peut que se réjouir de la conservation de l'ancien réservoir d'eau implanté là depuis 1907.
Coincé entre 2 immeubles récents, le contraste est saisissant.

Le château d'eau est construit par l'entreprise Chassin en 1906-1907, en bordure de la N 7 près de la Pyramide de Juvisy et des premiers lotissements installés dans le secteur avant la première guerre mondiale.
Très vite, les parcelles agricoles alentours sont achetées par des Sociétés mutuelles d'épargne qui lotissent les terres.
150 hectares (36 lotissements, 3500 lots) sont ainsi colonisés par de nouveaux habitants qui accèdent à la propriété.


Le château d'eau patrimoine naturel : hier et aujourd'hui. Image réactive.

Le carrefour suivant marque la sortie d'Athis-Mons et l'entrée à Juvisy sur Orge.


Sortie d'Athis-Mons, entrée à Juvisy sur Orge au carrefour de la Pyramide. Image réactive

Juvisy Sur Orge Km 0018

http://juvisy.fr

Nous voici arrivé à ce que j'appellerai une petite "étape didactique" sur la route nationale 7.
Car ici, Science, Art et Culture vont agrémenter notre périple.

Commençons donc la découverte de Juvisy en laissant la voiture dans une rue perpendiculaire sur la droite et revenons à pied au carrefour dit de la "Pyramide".
Ce sera notre première halte scientifique à Juvisy.

Le carrefour de la pyramide

L'avez vous au moins remarqué ce petit monument qui trône sur notre gauche, un peu en retrait sur la place, à côté de la pharmacie ?
Il tient d'ailleurs plus de l'obélisque que de la pyramide mais semble aujourd'hui bien anodin, presque invisible, comme fondu dans le paysage urbain du carrefour.
Il s'agit pourtant d'un monument commémoratif élevé à cet emplacement par l'académie des sciences en 1740.

 


Depuis 1740, la Pyramide, dite de Cassini est implantée à un carrefour de routes, en bordure de la route nationale 7. Image réactive

 


Ces deux édifices, pyramide et réservoir,
sont les seuls repères survivants d'un quartier qui n'a plus rien à voir avec ce cliché pris au début du XXe siècle sur la RN7.
Image réactive.


La Base de Villejuif à Juvisy.

Un peu d'histoire :

En 1668, l'Académie des Sciences de Paris fut chargée par Jean-Baptiste Colbert, son fondateur, d'effectuer une nouvelle mesure du méridien de Paris afin d'établir une carte de France plus exacte que celles qui existaient alors.
Ces travaux débutèrent en 1669, deux ans après la fondation de l'Observatoire de Paris.
Ils furent confiés à l'astronome, académicien et abbé, Jean Picard.

Les limites fixées à Picard pour ses mesures, étaient les communes de Malvoisine, au sud de Paris à 6 km de La Ferté-Alais, et Sourdon, à 20 km au sud d'Amiens.
Pour prendre ses mesures, l'abbé Picard va appliquer la technique de la triangulation.
Il utilise pour cela 13 triangles et deux bases, dont une pour la vérification.
La base principale, de 11 km, s'étend de Villejuif à Juvisy, axe à l'époque parfaitement rectiligne sur la route Royale vers Fontainebleau.
Elle est mesurée par arpentage, à l'aide de deux tiges de bois de 8 mètres.


Mesure par arpentage à l'aide de tige étalon.



En 1740, la science ayant évolué, Jacques Cassini entreprend de reprendre les mesures de triangulation de l'abbé Picard.

Mais 70 années ont passé et les repères physiques laissés par son prédécesseur ne sont hélas plus exploitables et restent le plus souvent introuvables.
On reprend donc les calculs à zéro pour établir une nouvelle base géodésique.

L'académie des Sciences fait élever en bordure de route deux pyramides de pierre sur l'axe rectiligne. Repères plus durables dans le temps que ceux de Picard, qui par exemple avait utilisé un moulin comme point de référence, moulin qui 70 ans plus tard n'existait plus.

Une première mire est positionnée à Juvisy-sur-Orge, une autre à Villejuif , ces deux points servant à vérifier la mesure du degré du méridien.

Premier repère :

La pyramide de Juvisy, 10 mètres de hauteur, située en ville en bordure immédiate de la route, bien connue des automobilistes et des vacanciers de la RN7.
Elle a toutefois été déplacée de quelques mètres en 1956 lors de l'élargissement de la RN7 et du rétrécissement nécessaire des trottoirs.

Par arrêté du 20 janvier 1942, la Pyramide, dite de Juvisy, située sur la route nationale 7, qui marque le terme sud de la base de départ de la méridienne de l'abbé Picard, a été classée parmi les monuments historiques.
(extrait du bulletin de la commission des antiquités et de l'art du département de Seine et Oise)

 

Implantation de la pyramide d'après l'atlas de Trudaine. 1748

Le second repère est la mire de Villejuif, rencontrée précédemment lors de l'étape à Villejuif.
Plus petite, elle ne mesure que 7 m de hauteur.
Moins connue du public elle est située Rue de Paris, sur le tracé historique de la route, presque invisible de la voie publique.
Des travaux de terrassements entrepris pour décaisser la rue, avaient permis d' abaisser la route, laissant la mire à hauteur de l'ancienne route (Voir la mire de Villejuif plus haut)

Qui dit carrefour important, dit panneaux directionnels.
Comme on peut le voir sur d'anciennes photographies, le croisement n'était pas avare en bornes d'angles Michelin, en panneaux d'agglomération émaillés, et même en plaques de cochers.

Jusqu'en 2014, à quelques mètres de là, on pouvait observer une plaque émaillée scellée sur le mur d'une maison vouée à la destruction.
Aujourd'hui, destruction et reconstruction ont eu lieu, et la plaque a disparu., la pub LABO aussi.


Jusqu'en 2014, on pouvait encore voir cette plaque type Michelin, et une publicité murale pour les huiles Labo.
Aujourd'hui, le quartier est transformé et tout a disparu.

Une discrète plaque de cocher en fonte se niche sur la façade du restaurant japonais.


Rare couleur rouge pour une plaque de cocher habituellement d'un bleu outremer.

En route -

Allez, refermons là nos cahiers de géographie et de trigonométrie pour aborder une nouvelle matière : l'Histoire de France.
Le nom de la prochaine avenue s'y prête d'ailleurs fort bien : l'avenue de la Cour de France.


La route était encore longue jusqu'à Fontainebleau, et les rouliers ne manquaient pas de faire une halte chez le père François Victor, situé juste au carrefour de la pyramide.
Près de 150 ans plus tard, l'établissement est toujours là, mais le Sushi et le soda ont remplacé le sauciflard et le p'tit coup d'blanc. Image réactive.

Avant de quitter le quartier, jetons un regard plus contemporain sur le bar de L'Éden, qui jouxte la pharmacie.
Jusqu'en 2016, l'établissement était accolé à un bâtiment à l'architecture très théâtral, abritant en ses murs un bazar ou une solderie.
Il s'agissait de l'ancien cinéma L'Éden ouvert en 1929 et qui à l'époque se vantait d'être un "établissement cinématographique moderne".
https://sallesdecinemas.blogspot.com/search/label/Juvisy-sur-Orge


Le cinéma Éden au cœur du quartier de la pyramide vers les années 1970.
Puis transformé en solderie à partir de 1976. Image réactive.

 


1960, effet de nuit au carrefour de la pyramide, photo Maurice Pialat.

L'Éden bar et cinéma.

 

L'Amour existe. 1960.

Dans l'un de ses tout premiers documentaires paru en 1960 « l'amour existe », Le réalisateur Maurice Pialat, (45 ans à l'époque), dresse un portrait plutôt pessimiste et misérable de la banlieue parisienne et de ces habitants en cette fin des années 1950.
Considéré comme un poème mélancolique, cet essai cinématographique aux propos politiques parfois engagés, illustre à merveille les paroles de "Paris – Méditerranée" que chantait Piaf en 1938 :
« La banlieue triste qui s'ennuie, défilait morne sous la pluie ».

Pavillons, HLM, bidonvilles, embouteillages, et cette image furtive « volée » au documentaire. Une banlieue de nuit en 1960.
Nous en reconnaissons tous l'endroit, sur la N7 bien sûr, et ici bien loin de l'image de la route des vacances.


Le cinéma Éden de Juvisy, situé en bordure de nationale 7, près du carrefour de la pyramide, avait ouvert ses portes en 1929.


Le clap de fin cinématographique aura lieu en 1976, mais la structure du bâtiment sera conservée pour accueillir un bazar du nom de Bazarama.
Hormis l'architecture, le bazar conservait également à l'intérieur quelques éléments de l'antique cinéma, comme la moquette bleue et quelques vieilles affiches

De vaines tentatives furent lancées pour essayer de classer l'édifice, voué à la destruction.

Finalement en cette année 2016, promoteurs et pelleteuses eurent le dernier mot, et le rideau est définitivement tombé sur ce cinéma de quartier.



La destruction du cinéma Éden - Bazarama en 2016

En route -

Nous roulons à présent sur l'avenue de "La Cour de France", car Juvisy est avant tout un ancien gîte royal, une étape pour la Cour du Roi sur le trajet vers Fontainebleau.

La route nationale amorce une légère côte, mais ce tracé, autrefois plus pentu, n'était nullement utilisé comme route Royale.
Il ne s'agissait que d'un simple chemin menant jusqu'au hameau de Fromenteau, la "montagne de Juvisy" sur les coteaux de l'Orge.

La route Royale, quant à elle, partait également du carrefour de la pyramide et gagnait les pentes de Juvisy et les bords de l'Orge, par un parcours abrupte, critique et fort dangereux pour les équipages attelés.
Si dangereux, que par temps de glace, le chemin se gravissait à l'aide de nombreux chevaux de louage, la descente des voitures s'effectuant par traîneaux.
(tracé correspondant aux actuelles avenue Thiers, rue Camille Flammarion et Grande rue)


L'ancien chemin Royal, pentu, étroit, glissant et tortueux, requérait la plus grande prudence de la part des cochers par mauvais temps.
Vu ici de la ruelle Camille Flammarion au début du siècle dernier.

Vers la fin du règne de Louis XIV, le Duc d'Antin, gouverneur de l'Orléanais, dédaignant les moyens ordinaires, voulu descendre le chemin verglacé avec ses propres chevaux.
Sa voiture se fracassa au bas de la côte et le Duc faillit payer de sa vie cette imprudente bravade.

Échappé à ce péril, il promit que le chemin serait détourné, ce qui, certainement, contribua de hâter les travaux de la nouvelle route Royale (future avenue de la Cour de France).


Le point rouge correspond au carrefour de la Pyramide. De là partait l'ancien et dangereux chemin royal, vers le centre de Juvisy (tracé jaune)
La nouvelle route dénommée ici La Cour de France, (tracé rouge) gagnait le hameau de Fromenteau et son relais de poste avant de rejoindre le Pont du Roy sur l'Orge

Vous le remarquez, le quartier est aujourd'hui en pleine mutation... toujours le Grand Paris.

Pas mal de bâtiments le long de la route nationale 7, pour ne pas dire tous, sont frappés d'alignement.
Les expropriations ont débuté. Le quartier fait peau neuve.
Les programmes immobiliers se développent tout au long de l'avenue et effacent à jamais les dernières traces du passé.
Bientôt l'automobiliste se demandera même à quoi peu bien faire référence ce nom de Cour de France.


Hameau de Fromenteau, avenue de la Cour de France, en direction de Fontainebleau, vers 1917.
Au début du siècle dernier, la physionomie du paysage n'avait guère changé par rapport ce qu'avait connu nos rois et nos reines se rendant à Fontainebleau.
Sur la vue en 2008, hormis l'immeuble et le garage Peugeot, le quartier était encore assez semblable. Image réactive.


Aujourd'hui, les immeubles gagnent du terrain, modifiant radicalement la physionomie du quartier.

Avançons jusqu'au garage Peugeot, et arrêtons nous un instant devant la récente barre d'immeubles, pour une nouvelle halte scientifique mais non moins historique :
Remontons le temps.
Ce qui nous intéresse ici , c'est la construction qui se trouvait là bien avant l'immeuble.


Programme immobilier récent, en lieu et place d'un immeuble du XVIIIe siècle.
En 2018, la bâtisse vit sa dernière année d'existence. Image réactive

Il s'agissait de " l'Auberge du Pavillon " à Fromenteau.

Construit au milieu du XVIIIe siècle, à proximité du pavillon de chasse de la propriété seigneuriale voisine (d'où son nom), ce petit immeuble servait d'auberge pour les voyageurs de la route reliant Paris à Fontainebleau.
La Cour de France y était reçue et l'on dit même que Napoléon et ses maréchaux y firent un séjour.


Hameau de Fromenteau, avenue de la Cour de France, en direction de Fontainebleau.
Remarquez la coupole sur le toit de l'auberge du Pavillon.

En 1866, l'auberge change de fonction et devient un centre d'accueil pour les orphelins et les vétérans des insurrections polonaises, sous l'égide des Sœurs de la Charité de St Vincent de Paul.
En 1893, l'abbé polonais Bonaventure Metler qui dirige le centre, fait la connaissance de son voisin, le célèbre astronome Camille Flammarion (voir plus loin).
Metler va vite s'enticher d'astronomie et devenir un disciple de Flammarion, à tel point qu'il va faire construire son propre observatoire sur le toit de son pensionnat.
Il y fera installer un puissant télescope qui sera considéré pendant longtemps comme le plus gros télescope de Pologne.
Comme son renommé maître, Metler saura rendre accessible cette discipline, faisant de Juvisy un haut lieu de l'astronomie.

Source : la Société astronomique de France.


L'observatoire installé sur le toit de l'ancienne Auberge du Pavillon par le père polonais Metler. ( photo 1972)

Au début du XXe siècle, les règles d'accueil des ressortissants polonais changent, et l'abbé Metler ainsi que les sœurs de la Charité retournent en Pologne en 1907.

En 2018, les pelleteuses auront finalement raison de ce vestige du XVIIIe siècle. Il n'en reste plus rien aujourd'hui.

Sources :
http://surfredericchopin.blogspot.com/2014/02/maison-des-veterans-polonais-de-juvisy.html
,
article du Parisien oct 2013.

Qu'est devenu l'abbé Metler ?

En septembre 1939, au début de la seconde guerre mondiale, la Pologne est envahie par l'Allemagne.
L'abbé Metler devenu fondateur et directeur de l'institut de l'Observatoire Astronomique de Czestochowales est emmené par les Allemands.
Sorti de son presbytère, il est traîné derrière une charrette tirée par des chevaux jusqu'au cimetière du village de Jaworzno à 7 km de sa paroisse.
Là, avec son vicaire, Joseph Danecki, et l'organiste de son église, il est fusillé par les Allemands.

http://www.swzygmunt.knc.pl/MARTYROLOGIUM/POLISHRELIGIOUS/vENGLISH/HTMs/POLISHRELIGIOUSmartyr1755.htm


Hameau de Fromenteau route de la cour de France, en direction de Paris fin XIXe siècle.
Les pavés disposés en tas, attendent d'être replacés, sans doute après des travaux de voirie.

En route -

Quelques mètres encore et se profile sur la gauche la tour crénelée et le dôme d'un bâtiment pour le moins étonnant.
Il s'agit du fameux Gîte Royal devenu au fil du temps relais de poste, puis observatoire.

Arrêtons nous un instant et marquons ici notre troisième halte scientifique, mais non moins historique.


L'observatoire de Juvisy , propriété de Camille Flammarion, ancien relais des postes, ancien Gîte Royal, en bordure de la nationale 7. Image réactive.

Un peu d'histoire :

Dès le XIIe siècle, il existait sur les hauteurs de Juvisy, au hameau de Fromenteau, à l’emplacement actuel de l’Observatoire Camille Flammarion, un vaste domaine comprenant des bois, des vignes, des terres et un colombier.
Cette demeure baptisée le Gîte Royal de Fromenteau, recevait les rois et les princes en route vers le Château de Fontainebleau.
Les rois Charles IX, Henry IV et son ministre Sully, Louis XIII et Louis XIV s'y arrêtèrent régulièrement.

En 1710 le Gîte Royal disparaît pour devenir un relais de poste. (c'est l'ouverture de ce relais, qui entraînera la fermeture de celui de Paray devenant ainsi une Vieille Poste)


Grand Prix de la Pédale en octobre 1925, le peloton passe devant l'observatoire. Agence Rol.

C'est dans ce relais de poste que le 30 mars 1814, Napoléon apprend la capitulation de Paris qui annonce la chute de l'Empire.
Napoléon quitte le relais et abdique le 12 avril 1814. Un événement qui marquera l’Histoire sous le nom des "Adieux de Fontainebleau".
Une statuette, offerte par l’empereur se trouve toujours à l’Observatoire Camille Flammarion.

En 1843, l’ouverture de la gare de Juvisy entraîna la fermeture définitive du relais de poste.
Peu de temps après, un bordelais, Louis-Eugène Meret, amateur d’horticulture, racheta la propriété pour la convertir en maison d’agrément.
Mais les Prussiens occupèrent les lieux et défigurèrent le parc pendant la guerre de 1870.
Refusant d’y revenir, Meret, féru d’astronomie et de sciences physiques, en fit don en 1882 à l’auteur de "L’Astronomie populaire", Camille Flammarion.

Sources :
http://juvisy.fr/votre-ville/histoire-de-juvisy


Devant le portail de l'observatoire au début du XXe siècle.


Un aspect de la route nationale, du haut de la tour crénelée. Vue en direction de la capitale. Image réactive.

En 1882, le scientifique Camille Flammarion reçoit la propriété en legs et en devient propriétaire, il transforme alors le lieu en observatoire astronomique.

Camille Flammarion astronome, œuvre pour la vulgarisation des sciences positives. Rédacteur scientifique et conférencier il fonde en 1883 l'observatoire de Juvisy-sur-Orge et en 1887, la Société astronomique de France, dont il est le premier président.

Flammarion est un touche à tout. Il popularise l'astronomie, travail sur l'atmosphère terrestre et le climat.
Il édite de nombreux ouvrages scientifiques, philosophiques, mais aussi des romans et des récits de voyages.
Il s'intéresse également aux sciences occultes et paranormales au travers du spiritisme et de la parapsychologie.

Camille Flammarion décède en 1925. Sa tombe se situe au fond du parc de l'observatoire.

L'observatoire est fréquenté pendant plus d'un demi-siècle et les observations qui y sont réalisées font de la ville de Juvisy un haut lieu de la recherche scientifique jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
A la mort de sa veuve, en 1962, l'observatoire est légué à la société astronomique de France qui le loue pour 99 ans à la ville de Juvisy.
En 1980, le monument est classé, et en 1996 inscrit à l'inventaire des monuments historiques.

Aujourd'hui l'observatoire est en état de délabrement avancé. L'illustre résidence est en danger. Des associations militent pour lui venir en aide.

Sources / pour en savoir plus :

Un bon site pour en savoir beaucoup plus sur l'observatoire de Juvisy à ne pas rater :
http://www2.culture.gouv.fr/culture/flammarion/accueil/accueil.htm
Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Observatoire_de_Juvisy-sur-Orge
La tombe de Camille Flammarion : http://www.landrucimetieres.fr/spip/spip.php?article1720
Le site de l'association des amis de Camille Flammarion qui œuvre pour la sauvegarde de l'observatoire.
http://www.astrosurf.com/amis2camille/

Les Secrets de l'Observatoire :

Camille Flammarion s'intéresse également à la parapsychologie et au spiritisme.

Il participe à de nombreuses séances spirites et recueille de nombreux témoignages sur les maisons hantées et les fantômes.

Avec méthode et rigueur il enquête, répertorie et classe les phénomènes inconnus.
Il reste convaincu, qu'au delà de toute religion, l'esprit survit après la mort.

Voulez vous faire une visite passionnante et angoissante de l'observatoire avec un célèbre chasseur de fantômes ?
Laissez vous tenter avant de reprendre la route.

http://www.maison-hantee.com/files/flammarion/maison_assassinee090206b.htm

En route –

Reprenons maintenant la route après cette halte pour le moins instructive.
Vous l'aurez remarqué, je n'aime pas passer à un endroit sans en connaître son histoire.
On pourra par la suite approfondir ses recherches si le sujet nous interpelle, mais en connaître un minimum évite de rouler "idiot".
C'est cela aussi la nationale 7.

Avenue de la Cour de France, 1963 et Aujourd'hui. Image réactive.

Après la passerelle piétonnière qui surplombe l'avenue de la Cour de France et qui s'engouffre dans le parc de la Mairie, dont on aperçoit l'entrée sur la gauche, on amorce une descente en courbe.
Bien que sur 2 x 2 voies, plus l'on approche des rives de l'Orge, plus la route se resserre.


Dans la descente, un petit patrimoine routier toujours en place, mais en bien mauvais état.

Nous arrivons maintenant sur le pont des Belles Fontaines, l'objet de notre quatrième halte.
Avouons le, le nom de ce pont a tout de charmant, mais le coin en lui même a perdu de sa superbe.
A peine le remarque-t-on aujourd'hui.
Sur quatre voies depuis 1970, il a hélas perdu ses fontaines, ses trottoirs et ses pavés.


Le Pont des Belles Fontaines et la route nationale 7, en direction de Fontainebleau au début du siècle dernier. Image réactive.
Même lieu aujourd'hui.

Un peu d'histoire :

La construction de ce pont, qui permit à la Route Royale de Paris à Fontainebleau de franchir le cours de l’Orge, résultait du contournement routier du bourg de Juvisy décidé en 1722.
Et cela pour résoudre les dangers que l’étroitesse de la voie urbaine et la forte déclivité de la chaussée faisaient courir aux voyageurs.
La voie royale y était si pentue et si étroite "rue de la Vieille-Montagne", que cavaliers et carrosses peinaient à y grimper.
Sabots et roues cerclées de fer dérapaient sur la chaussée rendant la traversée du bourg souvent périlleuse pour les voyageurs et les attelages.

Afin de réaliser le tracé de cette nouvelle route, il fallu remblayer le coteau et construire un pont pour franchir l'Orge.
Un travail de titan confié à l'administration des Ponts et Chaussées.

Le pont ne constituait qu’un maillon d’une déviation longue de plus de deux kilomètres, creusée en tranchée dans le coteau menant à Athis, et établie en talus en direction de Viry-Châtillon.
La nouvelle chaussée devait présenter une pente adoucie de 4,16%, régulière et assez large pour un trafic routier aisé.

Deux régiments d'infanterie contribuèrent aux travaux de sape du coteau, assistés par des spécialistes du Génie experts en explosifs .

Le chantier du pont se déroula en deux phases successives : de 1724 à 1726, on réalisa la voûte du pont ainsi que, de part et d'autre, deux murs convergents raidis par sept contreforts.

Après l'effondrement de l'un de ces murs en avril 1727, l'écartement des murs convergents fut assuré par une série de sept arcs doubleaux.

En 1728, le pont fut orné de deux fontaines disposées de part et d'autre de la chaussée.

Pour faire passer la ligne de chemin de fer Paris-Orléans, ouverte en 1843, on perça le remblai à 75 m du pont de façon à ne pas modifier la pente de la chaussée.

En 1970, la route nationale 7 est élargie sur le tronçon compris entre la "pyramide" et la rue Blazy.
La largeur au droit du pont est portée de 9m à 16,25 m afin d'établir cinq voies de circulation.
Les travaux d'élargissement aboutissent au démontage et au dépôt des fontaines monumentales dans le parc d'une propriété acquise par la commune, le château de la Cour de France

Le trafic ferroviaire ne cessant de croître, la percée du remblai doit être élargie en 1974 pour le passage de 6 voies ferrées.

Extraits : https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA91000741

Ci-contre les contreforts sous le pont des Belles Fontaines.


En direction de Viry-Châtillon/Fontainebleau. On remarque que seule la chaussée de droite est goudronnée. Les deux autres voies sont encore pavées.

A l'origine, baptisé le Pont du Roy, il est vite surnommé Pont des Belles Fontaines en raison des deux fontaines monumentales placées de chaque côtés de la route et par lesquelles s'écoulent des sources découvertes au moment de la construction.
Les fontaines permettaient ainsi de faire boire chevaux et cavaliers.


Le 30 mars 1814, Napoléon espère encore éviter la débâcle à Paris lorsqu’il fait halte pour la nuit au relais de Juvisy,
après un arrêt au pont des Belles Fontaines.


Le pont des Belles Fontaines et la route vers Viry-Châtillon/Fontainebleau en 1910.


L'eau minérale naturelle de Juvisy

Les Eaux de Juvisy :

Les eaux et sources de la Cour de France jouissent d’une légitimité sans faille depuis des temps immémoriaux. Leur limpidité et leur saveur leur ont conférées le nom « d’Orgeat de Juvisy ».
En 1908 une étude est menée afin de faire de Juvisy une station hydro-minérale, suite aux demandes répétées de la population et des municipalités successives.
L’objectif étant de faire reconnaître par l’administration compétente, la valeur et la qualité des eaux de sources de Juvisy.
Camille Flammarion et son adjoint Monsieur Loisel procèdent à une étude des conditions climatériques du milieu.
Il s'avère que les Belles Fontaines, sources et terroir, constituent une station parfaitement climatérique et hydrominérale. Trois millions de bouteilles se vendait alors à Paris et dans sa banlieue.
On projette alors l'idée d'un pavillon thermal pour la dégustation de l'eau des Belles Fontaines.
Le projet ne verra jamais le jour, et aujourd'hui les eaux de Juvisy sont impropres à la consommation, polluées dit-on par la proximité de la gare et de l'aéroport d'Orly.

Source.. :-)) : http://juvisy.fr


Détail d'une fontaine déplacée dans le parc de la mairie.

En 1970, la Nationale 7 est élargie : les deux fontaines sont déplacées et réinstallées dans le parc de la mairie de Juvisy.
Des milliers d'automobilistes empruntent chaque jour ce pont, sans soupçonner une seconde que ce trésor architectural est classé monument historique depuis près d'un siècle.

Sources et extraits :

L'article du Parisien du 21/01/2012 : "Sous la nationale 7, un joyau"
Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pont_des_Belles_Fontaines
Une fontaine vue de près : http://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/3790-juvisy-fontaine?offset=1

Avant de quitter définitivement le pont, voici le fameux départ en vacances route nationale 7 de l'année 1958.
On y aperçoit le pont, au temps des Belles Fontaines. cliquez sur l'image


Le pont des Belles Fontaines franchit le cours de l'Orge, puis en 1843 on perce le remblai pour y faire passer le train.

En route –

Quelques mètres seulement séparent le pont des "Belles Fontaines" du pont qui enjambe le réseau de voies ferrées (en bien moins spectaculaire).

Pour le passage des voies, il a fallu, dès 1843, percer le talus quelques 75 mètres avant le pont sur l'Orge.

Juvisy est l'un des principaux carrefours du dispositif de transport de la région parisienne.
Le "nœud ferroviaire" de la banlieue.

Dès la fin du XIXe siècle, la gare de Juvisy est surnommée : la plus grande gare du monde, du fait de son réseau commun avec la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (PO), la compagnie du Paris Lyon Marseille (PLM) ainsi que les lignes de la grande ceinture de Paris.

Aujourd'hui encore, même si l'activité de triage n'existe plus, la gare reste très active avec près de 70 000 voyageurs par jours.

 

 

Pour en savoir plus : https://juvisy.fr/votre-ville

 


Continuer le voyage


Retour sommaire

@ 2012 Mises à jour 2015-2017-2018-2019-2020-2023/24