ETAPE 16 : de St Cannat (750 km) à St Maximin la Ste Baume (800 km)

04/05
← La Grande Pugère (lieu-dit) - La petite Pugère - Pourcieux →

L'horizon se dégage peu à peu, et l'on traverse en de longues lignes droites de superbes paysages.


Ce n'est pas le grand Canyon, mais ici la route prend parfois des airs de grand Ouest Américain. Au fond la barre rocheuse du Mont Aurélien.

Rendez-vous nationale 7 : Lundi 4 août 1969 - 19h30 Massif de la SainteVictoire - Episode 18


C'est le silence complet dans l'automobile. Chacun accuse le contre coup de ces deux jours de voyage.
Nous avons atteint ce que mon père définit comme notre seuil d'acceptation.
Le point où la pénibilité de notre périple dépasse largement l'engouement suscité par la perspective de passer des vacances en camping au Lavandou.
Nous n'avons jamais été aussi proche du but, mais l'excitation des débuts a laissé place à la lassitude.
Mon père est crevé.. le coup de barre.
La traversée d'Aix nous a grandement retardé.
La nuit ne tardera plus, et nous n'avons pas encore mangé ce soir.
Faut-il accélérer la cadence pour tenter d'arriver à la tombée de la nuit. Et quand bien même ne trouverons nous pas le camping fermé jusqu'au lendemain ?
Ma mère n'imagine pas monter la tente à l'éclairage de la lampe de poche ou des phares de la voiture. On ne retrouvera jamais rien dans nos sacs, et nous dérangerons les voisins.
Peut-être est-il plus sage de marquer un arrêt.
Pourquoi ne pas commencer par pique-niquer ici au pied de la montagne Ste Victoire sur un chemin de traverse ?
Il doit bien rester quelques tranches de jambon dans la glacière, du melon, du pain, des chips et des biscuits.
Pourquoi ne pas nous reposer cette nuit dans la voiture et finir le voyage demain dès l'aube, pour arriver à l'ouverture du camping.
Nous aurons ensuite la matinée pour nous installer puis nous reposer sous les pins. (à suivre)

La Grande Pugère Km 0784

Au détour d'un virage, après le pont qui traverse le ruisseau de St Pancrace, nous voici le long d'une vieille et imposante bâtisse.
Ce n'est pas vraiment un hameau, au vu de l'ensemble homogène des bâtiments qui font plutôt penser à une grosse ferme.
Le terme de Pugère vient du mot Péagere, qui indique un bureau de péage sans doute pour franchir le pont sur le St Pancrace au Moyen-Âge.


Un ensemble de bâtiments assez homogène, la Grande Pugère.

Vous pensiez en rejoignant la Grande Pugère, être enfin à l'abri des bandits de grands chemins...

- Nuit du 1 au 2 septembre 1801 : Attaque et vol du courrier de la Malle-poste, à proximité de l'auberge de la Grande Pugère par des brigands de Pourrières.
Deux militaires sont blessés et un tué par un coup de fusil. (http://saintmaximin2008.fr)

La Grande Pugère était un relais de poste réputé sur la route vers l'Italie.

Il en est fait mention en 1813, dans le guide : Description Routière, Géographique, Historique et Pittoresque de l'Empire Français _ Routes de Paris à Marseille,

- Les deux relais de la Galinière et de la Grande Pugère, sont l'un et l'autre dans une ferme isolée où l'on tient auberge.

Le cadastre Napoléonien de 1827 le localise précisément.


D'un côté de la route une remise à chevaux, de l'autre l'auberge.

Repère de bandits certes, mais avant tout Auberge et Poste Royale, la Grande Pugère n'en accueillit pas moins un hôte d'importance en ce 26 avril 1814.

" Durant sa descente vers St-Tropez (port initialement prévu pour son embarquement vers Elbe), Napoléon subit les avanies de la foule provençale.
Le 26 avril, autour de deux heures du matin, le convoi de l'Empereur passe sous les murs d'Aix-en-Provence, sans s'arrêter, par précaution, alors que le sous-préfet a fait fermer les portes de la ville pour éviter toute sortie d'émeutiers.
Sur les remparts, les rares Aixois à avoir bravé le mistral glacial de cette nuit sans nuages voient alors passer cet équipage peu banal, avant que celui-ci ne disparaisse sur la route de Nice.
A quatre heures du matin, le convoi arrive à un relais de poste situé en pleine campagne sur la la route impériale n°8 : La Grande Pugère.
A ce stade du voyage, le danger semble être derrière les commissaires et leur extraordinaire prisonnier.
Napoléon les a tous conviés à sa table. Il respire ....
L 'empereur va longuement s'entretenir avec le sous-préfet d'Aix présent lui aussi :
« Les Provençaux ne sont bons qu’à faire du tapage ; je n’ai jamais eu un bataillon provençal ! » "

Extraits : Histoire de la Nationale 7: De l'Antiquité à la route des vacances De Thierry Nelias


La façade de la Grande Pugère. Mise à part la route "moderne" Napoléon ne serait pas dépaysé.


La remise et devant, l'une des plus vieille fontaine de la région datée de 1587.


Photo Le Tretsois

Dans la nuit du 1er au 2 novembre 2019, une partie de l'ancien relais s'écroule sur la nationale 7.
La portion de route qui passe devant La Grande Pugère est détournée, la mairie prend un arrêté de péril imminent, le reste du bâtiment menaçant de tomber.
La grange incriminée est détruite et des travaux de sécurisation sont engagés.
Après validation judiciaire et bataille d'expertises, la route est enfin rouverte le 13 décembre 2019.


Photo - journaux - Le Tretsois

En route -

300 mètres après la Grande Pugère, nous quittons le département des Bouches du Rhône pour entrer dans celui du Var.
La délimitation entre les deux est matérialisée par une borne routière.

Déclassement de la route nationale 7 : par la réforme 2005 , dans tout le département du Var, la Route Nationale 7 prend l'appellation de D7N.


La borne limite de départements Bouches du Rhône/ Var et vice versa. Photo Claude.K


A force de rouler à la recherche des traces du passé, l’œil s'habitue à repérer les anomalies de tracé.
Alors que la route amorce le premier virage depuis notre entrée dans le département du Var, on ne peut que constater la présence d'une ancienne route, tout droit dans la perspective.
Était-ce l'ancienne route nationale 7 ?


Tout droit, le tracé de l'ancienne route nationale 7


L'ancien tracé, flèches noires, et le plan cadastral Napoléonien. Image réactive.

Les cartes d'Etat Major du XIXe siècle et le cadastre Napoléonien, confirment le fait que la route passait autrefois devant une auberge dénommée "la petite Pugère" autrement appelée la Pugerette par les autochtones.
Située au carrefour des routes de Pourrières et de Pourcieux, la route nationale 7 y décrivait un double virage serré, assez dangereux et qui pouvait surprendre après les longues lignes droites parcourues depuis la sortie d'Aix.
La route prenait ensuite la direction de Pourcieux, après avoir franchi la rivière Arc.
Comme pour la Grande Pugère, le terme de petite Pugère est la déformation du mot Péagère qui indique qu'il y avait (ici aussi) un péage, sans doute à l'époque médiévale, pour franchir le pont.

C'est à partir des années 1940, que la route nationale 7 déviera de son ancien tracé en coupant au plus court en évitant les virages.


Venant des Bouches du Rhône (à droite) la route passe devant la ferme de la Petite Pugère, puis attaque le double virage.
Sur ce cliché de 1943, on constate que le nouveau tracé est bientôt prêt. Reste à construire le pont sur l'Arc.
Il faudra attendre la fin de la guerre.


L'ancienne route nationale 7 et la Petite Pugère. Photo Thierry Nelias.


Inscription sur le fronton de la pugerette. Photo Thierry Nelias.

Encore une histoire de brigands :

Un jour d'octobre 1800, sur la grande route, au niveau de la Petite Pugère, 3 hommes arrêtent une berline dans laquelle voyagent deux hommes et trois femmes.
Ils détroussent les passagers de leur argent ainsi que d'une partie de leurs bagages.
Source : http://saintmaximin2008.fr

Avant de quitter la petite Pugère, marquons l'arrêt à proximité du pont sur l'Arc, sur le champ de la Bataille d'Aix.
Au pont prendre la direction de la stèle Marius Caïus. Le chemin de terre qui nous y amène est l'ancienne voie Aurélienne.
La petite Pugère est d'ailleurs considérée par certains historiens, comme la station romaine Tegulata sur la voie Aurélienne.

Au commencement du règne d'Auguste, trois routes principales traversaient la Provence.
La première et la plus ancienne allait d'Italie à Arles, en longeant le littoral jusque vers Fréjus.
Elle est connue sous le nom de voie Aurélienne, Via Aurélia, parce-que, 242 ans avant notre ère, Caïus Aurélius Cotta lui avait donné une certaine extension.
[...] La voie Aurélienne quittait Rome, franchissait les Alpes Maritimes, traversait le Var, [...] passant ensuite à Brignoles, Tourves, Pourcieux, La Grande Pugère, Tegulata, pour arriver à Aix.
Extraits : La Provence à travers les siècles Emile Cameau Tome II éditions des Régionalismes 2019.

Nous voici en 102 av. J.-C., les légions romaines du général Caïus Marius remportent ici une victoire décisive sur l’armée Teutonne, massacrant près de 90 000 Teutons, près du village de Pourrières, au pied de la montagne Ste Victoire.
D'où le nom de la montagne en souvenir de cette Victoire.

En mémoire de ce fait d’armes, un monument est érigé : le trophée de Caïus Marius.
Il s'agit probablement d'une pyramide régulière à base carrée, bâtie en pierres de taille dont il ne reste aujourd’hui sur place que les fondations.
On peut imaginer la hauteur du monument dont la partie haute a été déplacé et orne une des fontaines du village de Pourrière.
Tout le milieu de la stèle a donc disparu ... si vous vous sentez l'âme d'un Indiana Jones, vous savez ce qu'il vous reste à faire ;-)


Le sommet du trophée de Marius orne une fontaine de Pourrières. Dans l'encadré, les vestiges du monument sur la voie Aurélienne.

En route -

Poursuivons notre voyage en direction de Pourcieux, sur un tracé de route nationale 7 qui se confond ici avec l'ancienne voie Aurélienne jusqu'à Pourcieux..
Au plus près du tracé antique.. ce n'est pas pour me déplaire...

Allez, après les combats Romains, je vous amène au Var-Ouest, ou plutôt au Caroll's, un Américan Restaurant, façon Route 66 avec des vieilles voitures américaines.
L'établissement occupe l'emplacement d'un ancien resto routier. C'est encore écrit sur le pignon.
https://www.carollsrestaurant.fr

Etonnante parfois cette route nationale 7...

Allez, enfourchons notre Harley et poursuivons sur la route 66.... ;-) jusqu'au Cabanon Enchanté, un petit parc d'attraction pour les motards en herbe.


L'ancienne auberge de Sacaron, aujourd'hui domaine viticole, à proximité du pont qui permettait à la voie Aurélienne de franchir le Magnié.
Aujourd'hui, c'est notre route nationale qui franchi le Magnié.


A droite, la route nationale 7 jusqu'en 1972. Aujourd'hui cul de sac.

Notre route croise une nouvelle fois l'autoroute à A8 qu'elle franchi sur un pont.
Jusqu'en 1972, avant l'apparition de l'autoroute A8, la nationale 7 passait en contrebas.
On aperçoit sur la droite, le secteur aujourd'hui délaissé, reconnaissable à ses rangées d' arbres.


L'ancienne nationale 7 repérable à la rangée d'arbre.

Après le franchissement de l'A8, la route retrouve partiellement son itinéraire originel mais attention depuis 1966, la ville de Pourcieux est déviée.
La déviation ne présentant pas d'intérêt particulier, dirigeons nous vers le centre de Pourcieux en empruntant la D423 sur la gauche sur deux kilomètres.


Cliché noir et blanc : en 1960 la route nationale 7 traverse encore le centre ville de Pourcieux. Image réactive.
Cliché couleur actuel avec la déviation du bourg depuis 1966.


La suite de l'étape


retour au sommaire

 

C@rl 2020